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INTÉGRATION SCOLAIRE ET PARTENARIAT

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LES RÈGLES DU JEU DU PARTENARIAT

des compétences pour le système
des objectifs pour les acteurs

 
 
"Les animaux qui n'ont pas de squelette
s'entourent d'une carapace"
R.P. Sertillanges, O.P.
 
Introduction
L'idée directrice, concernant le fonctionnement du partenariat dans l'ensemble du syst�me de prise en charge des enfants handicap�s, et concernant plus particuli�rement les rapports du couple instituteur-�ducateur, nous l'emprunterons � Michel Crozier. Dans "L'acteur et le syst�me", ouvrage paru en 1977 et qui demeure encore aujourd'hui une r�f�rence majeure pour l'analyse des "contraintes de l'action collective", Michel Crozier, analysant la nature et les difficult�s de celle-ci, �dicte une r�gle capitale, simple et pragmatique, et extr�mement �clairante : il faut, dit-il des fonctions pour le syst�me et des objectifs pour les acteurs.
Cette maxime est appel�e � �tre le "fil rouge" des r�flexions que dans ce site nous consacrerons aux r�gles du jeu du partenariat. Le concept de "r�gles du jeu" est �galement emprunt� � Michel Crozier (1) : il exprime que le construit social est structur�, - et sous cet angle il est un contenant qui impose � chacun des acteur ses m�canismes et sa coh�rence, - mais que son fonctionnement, sa r�gulation, et donc finalement son �volution, reposent aussi largement sur le comportement des acteurs, sur les strat�gies qu'ils d�veloppent et sur les rapports qu'ils �tablissent entre eux. (Crozier, p. 78-86).
  (1) Si cette maxime ne se trouve pas litt�ralement dans le livre de Michel Crozier, elle en exprime tout � fait l'esprit. Voir A. Guillotte, R�mi Fauvernier et Jean-Marie Froidevaux, "Psychologie scolaire : laboratoire de la psychologie clinique", in Psychologie & �ducation, n� 9, juin/juill. 92.
 
1. Des comp�tences pour le syst�me
La scolarisation des enfants n�cessitant des soins d'ordre psychiatrique, médical ou paramédical, exige, nul ne le contestera, que soient r�unies des fonctions et des comp�tences diverses, relevant du champ de la scolarisation et du champ de la sant�. Nous utilisons � dessein deux termes - fonctions et compétences - qui se recoupent pour une part et s'�clairent mutuellement. La fonction est ce que doit accomplir une personne pour jouer son r�le dans un groupe social, c'est � la fois son r�le et son action. Le syst�me (2) est donc essentiellement constitu� de l'ensemble des fonctions dont il s'est dot� en vue d'accomplir sa mission, et il appartient � ceux qui occupent dans le syst�me un poste de responsabilit� d'organiser ces fonctions pour autant qu'elles d�pendent d'eux. C'est leur responsabilit� propre. Mais ces fonctions sont ins�parables d'un certain nombre de moyens, de r�gles, de dispositifs ou de dispositions, qui permettent pr�cis�ment aux uns et aux autres de les exercer (3). Cet ensemble repr�sente la t�che normale des administrations et des institutions, quand elles font leur travail (4)... C'est ce que nous appelons les comp�tences du syst�me, au sens large qu'on utilise volontiers aujourd'hui (5).
Le terme de comp�tences, plus englobant que celui de fonction, pr�sente de plus l'int�r�t de poss�der deux sens, qu'on souhaite voir le plus souvent associ�s dans les faits. Il d�signe en effet d'une part l'aptitude reconnue l�galement � une personne de faire tel ou tel acte dans des conditions d�termin�es, par exemple occuper tel poste ou exercer telle fonction, et d'autre part la capacit� personnelle de l'individu � bien tenir son poste. Le bon sens et une exigence d'ordre d�ontologique voudraient qu'on trouv�t sur tous les postes, � tous les niveaux, des personnels comp�tents � ces deux titres, c'est � dire de par leur statut mais aussi de par leurs qualit�s personnelles et leur qualification professionnelle (6).
  2) Syst�me, c'est � dire "ensemble d'institutions, de pratiques, de m�thodes formant � la fois une construction th�orique et une m�thode pratique..." (Le Grand Robert). Voir aussi M.Crozier (encadr�).
  (3) et qui sont aussi, pour une part, le r�sultat de l'action des acteurs. Le syst�me est par nature �volutif, malgr� ses pesanteurs, et les textes, comme les dispositifs, sont le plus souvent la cons�quence et le fruit des initiatives qui les ont pr�c�d�s.
  (4) Voir par exemple, dans ce site, l'organigramme d'une CLIS � caract�re th�rapeutique, �l�ment partiel de ce que pourrait �tre l'organigramme g�n�ral de la scolarisation des enfants handicap�s. (Ex : clis de l'école Descartes/organigramme).
  (5) par exemple quand on parle d'un p�le de comp�tences. Le terme de "comp�tence" a d�j� largement concurrenc� celui de "qualification professionnelle"...
  (6) Faut-il insister par exemple sur la n�cessit� que soient nomm�s, sur des postes d�licats comme ceux de professeurs des �coles ou d'�ducateur sp�cialis� aupr�s d'enfants handicap�s ou dysharmoniques, des personnels qualifi�s, form�s, et si possible motiv�s ?
 
2. Des objectifs pour les acteurs
Les �l�ments du jeu �tant en place, et les r�gles �tablies, encore faut-il prendre en compte le comportement des joueurs, qui a sa rationalit� propre. Nous ne sommes pas structuralistes au point de penser que les r�gles suffiraient � d�terminer leurs motivations, leurs rapports et leurs strat�gies. Les r�gles sont une condition du jeu, mais elles ne suffisent pas � rendre compte de son d�roulement (7).
Observons en effet que les fonctions et les comp�tences, qu'il s'agisse des comp�tences administratives reconnues en droit � chacune des institutions ou des comp�tences professionnelles propres � chacun des acteurs, en m�me temps qu'elles d�finissent la place et le r�le des uns et des autres, sont aussi ce qui les diff�rencie. Ce n'est pas ce qui fonde un partenariat.
Il arrive m�me que certains se retranchent derri�re la d�finition de leur fonction pour ne pas s'engager r�ellement dans le sens du partenariat. Si les acteurs, sur le terrain, ont l'obsession de se d�marquer les uns des autres en opposant leurs comp�tences, et de s'enfermer dans un r�le qu'ils d�finiraient chacun exclusivement par son statut professionnel propre, il n'est plus possible de travailler ensemble. On reste au mieux les uns � c�t� des autres... (8).
Il reste donc � construire le partenariat sur le terrain, ou plut�t les partenariats, car les formes en seront diverses selon les situations, selon les personnes et selon les objectifs poursuivis. (9)
Or ce qui fonde un partenariat, ce sont �videmment les objectifs que l'on veut atteindre ensemble, et la mani�re dont chacun met ses comp�tences propres au service de l'objectif commun. Les objectifs deviennent prioritaires. Un v�ritable partenariat, respectueux de la libert� et de la comp�tence propre de chacun des partenaires, exige fondamentalement des objectifs sinon communs, du moins partag�s. Ce sont par exemple, au niveau des institutions, les objectifs que l'on s'est donn�s en cr�ant la classe, et qui figurent sans doute dans la convention qu'on a sign�e et, sur le terrain, les objectifs sur lesquels on est d'accord pour la classe et pour chacun des enfants. Ces objectifs, qu'on s'efforce le plus souvent d'expliciter en diff�rents projets, - projets individuels ou projets de classe, par exemple, - fondent l'unit� du travail. Il importe de pr�ciser, - d'"objectiver" - les r�sultats que l'on se propose d'atteindre avant de se r�partir les actions susceptibles d'y contribuer !
Nous avons pr�cis�, fid�le encore � Michel Crozier, objectifs partag�s, de pr�f�rence � objectifs communs, pour marquer qu'il n'y a pas confusion des r�les. Mais si la scolarisation et le parcours scolaire de chaque enfant n'int�ressent que l'instituteur, et si sa sant� psychique n'int�resse que l'�ducateur sp�cialis� et le m�decin, il est clair qu'il n'y a plus de collaboration possible. Chacun ne doit pas tout faire, mais chacun doit s'int�resser � l'enfant, � tout l'enfant, ou comme on disait jadis, � l'�l�ve et � la personne.
Mais cette notion d'objectifs - communs ou partagés - n'est jamais v�cue de mani�re simple, car chacun des intervenants poursuit en réalité des objectifs multiples et complexes. Et si les fonctions appartiennent au syst�me, on peut dire que les strat�gies op�rationnelles qui doivent permettre d'atteindre les objectifs appartiennent, d'une certaine mani�re, aux acteurs. qui certes poursuivent des objectifs partagés mais qui poursuivent aussi des objectifs personnels. La libert� des acteurs reste r�elle, d'autant que "les d�cideurs ne savent jamais tr�s bien ce qu'ils veulent", au moins au d�part (10). Chacun agit aussi en fonction de ses int�r�ts propres, et notamment de son degr� d'investissement personnel dans son travail, avec ce que les d�calages entre les acteurs peuvent ajouter de difficult� � leur collaboration.
Ce concept d'objectifs partag�s m�ritera donc une attention particuli�re de notre part. Il n'en reste pas moins que sur le terrain, ce qui est essentiel, ce qui rend le travail coh�rent, ce qui cr��e la confiance r�ciproque, c'est qu'on soit responsable ensemble du devenir des enfants, et dans le cas pr�cis qui nous occupe, responsable ensemble de le bonne int�gration scolaire..
  (7) Imaginons que l'un des partenaires participe � contre-coeur, ou avec l'intention de perdre...Imaginons sur le terrain de foot des joueurs qui tra�nent des pieds...
  (8) Le fameux secret professionnel, par exemple, combien de fois n'a-t-il pas servi d'alibi � un refus de collaboration : on veut bien travailler ensemble, mais sans v�ritable engagement r�ciproque... Le fait d'ailleurs qu'il ne fasse plus gu�re probl�me aujourd'hui dans les rapports �ducation nationale/Sant� est l'un des signes des progr�s de la collaboration entre les personnels des deux secteurs, qui se connaissant mieux, savent ce que chacun peut attendre de l'autre...
  (9) Le partenariat ne prendra pas les m�mes formes, par exemple, en CLIS ou en Institut de R��ducation...
  (10) M. Crozier. Voir encadr� ci-dessous.
 
3. De la reconnaissance r�ciproque
Des comp�tences pour le syst�me, donc, et des objectifs pour les acteurs. Cette grille d'analyse que nous avons emprunt�e � Michel Crozier s'av�re particuli�rement op�rante et efficace dans l'analyse des modalit�s du partenariat. Les comp�tences n�cessaires sont-elles en place ? Les acteurs partagent-ils les m�mes objectifs ? Nous nous proposons, dans ce site, de rep�rer un certain nombre de ces comp�tences et de ces objectifs qui fondent le partenariat.
Et l'on constatera, au terme, la compl�mentarit� de ces deux approches. La ma�trise des comp�tences professionnelles des personnels, c'est � dire � la fois de leurs statuts, qui doivent �tre sans �quivoque, et de leurs savoir-faire professionnels, engendre des identit�s clairement diff�renci�es, et aide chacun � reconna�tre son propre r�le et � assumer sa propre fonction. Elle permet de s'engager sans crainte dans une action commune. La capacit� de se diff�rencier dans une �quipe permet, paradoxalement, de se mobiliser sans appr�hension autour d'un projet commun (11).
C'est souvent la crainte d'�tre mal reconnu dans sa fonction, soit qu'on y soit mal � l'aise soi-m�me (12), soit qu'effectivement les partenaires veulent l'ignorer (13), qui peut conduire � s'y enfermer, de mani�re d�fensive. Mais le rem�de ne fait qu'aggraver le mal, car c'est au contraire en s'engageant dans l'action commune sans r�ticences que les partenaires d�couvrent r�ciproquement la technicit� de leur m�tier et leurs comp�tences professionnelles et qu'ils apprennent � se conna�tre et à s'estimer les uns les autres.
Les personnels de l'Éducation nationale et ceux de la Santé qui en ont eu l'exp�rience ont compris, pensons-nous, qu'en s'engageant dans un travail partenarial ils n'y perdaient pas leur personnalit� professionnelle, m�me si les t�ches, comme nous le verrons, se recoupaient parfois, mais qu'au contraire c'est l'efficacit� du travail de chacun qui s'en trouvait accrue.
C'est en travaillant ensemble, finalement, qu'on s'appr�cie et qu'on s'estime mutuellement, aussi bien entre institutions qu'au niveau des personnes. Chacun appr�hende mieux les difficult�s de son partenaire ainsi que la nature et la sp�cificit� de son travail (14).
Extraits de Michel CROZIER, "L'acteur et le système" Seuil, Points, 1977

p237 - Le concept de jeu tel que nous l'avons employ� est, au fond, un mod�le d'int�gration des comportements humains qui suppose une vision dualiste et non plus int�gr�e du champ des rapports sociaux. Sont entretenues ensemble et non r�concili�es les deux orientations contradictoires, celle de la strat�gie �go�ste de l'acteur et celle de la coh�rence finalis�e du syst�me.

p238- (...) structuration signifie d'abord existence de rapports de pouvoir.

p243- Le syst�me n'est pas (...) un sch�ma a priori, mais un essai de reconstitution d'un construit humain indispensable � la poursuite des activit�s et des relations sociales. Le postulat sous-jacent � l'affirmation de son existence, c'est le postulat de l'existence n�cessaire d'un jeu qui permet de coordonner les strat�gies oppos�es de partenaires en relation, de la n�cessit� d'un syst�me contenant pour rendre possible les conflits, n�gociations, alliances (...).

p283- La pesanteur et la contrainte des syst�mes d'action concret viennent justement de la libert� des acteurs et non pas des donn�es naturelles qui s'imposeraient � eux. (...) Le syst�me humain, certes, maintient une certaine permanence, mais il se transforme et, surtout, il se transforme en s'adaptant.

p 286 - Nous pouvons donc finalement d�finir un syst�me d'action concret comme un ensemble humain structur� qui coordonne les actions de ses participants par des m�canismes de jeux relativement stables et qui maintient sa structure, c'est � dire la stabilit� de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des m�canismes de r�gulation qui constituent d'autres jeux.

 

  (11) Nous avons retenu cette phrase d'un document �manant du CNEFEI, dont nous avons perdu la r�f�rence.
  (12) J'ai eu parfois le sentiment que des personnels sp�cialis�s qui disaient ne pas vouloir entrer dans les �coles, manquaient d'abord de confiance en eux-m�mes... Nous avons connu un SESSAD qui s'�tait donn�, � ses d�buts, un lieu d'accueil en face de l'�cole : l'�ducateur et l'orthophoniste craignaient sans doute de ne pas �tre reconnus dans leur comp�tence professionnelle s'ils intervenaient dans l'�cole. Et sans doute de m�me les instituteurs qui refuseraient la pr�sence d'un �ducateur dans leur classe... C'est ainsi qu'on en vient, si les identit�s ne sont pas assur�es, � marquer des domaines, � borner des terrains d'action, � construire des d�fenses, � se d�marquer les uns des autres en opposant des fonctions, que chacun d�finit comme exclusives...
  (13) Exemple de m�pris des comp�tences professionnelles : d�clarer qu'un auxiliaire d'int�gration ferait aussi bien le travail de l'�ducateur...
  (14) Apr�s que la CLIS m�dico-psychologique de l'�cole Lavoisier - pr�sent�e dans ce site - ait �t� ouverte, c'est apr�s un trimestre de pr�sence dans la classe que l'�ducateur a d�clar� : "j'ai compris qu'instituteur, c'�tait un m�tier". Et l'institutrice avait compris qu'�tre �ducateur sp�cialis�, c'�tait aussi un m�tier. Ce jour l�, l'Inspecteur a compris � quel point ils avaient craint de ne pas savoir se situer l'un par rapport � l'autre. Et il a compris aussi que c'�tait gagn�.
 
Pierre Baligand - avril 2002
Mise à jour : 25/09/06

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